Formation professionnelle : qui en est responsable ?

Les statistiques ne laissent aucune place au doute : chaque année, des milliers de salariés voient leurs compétences devenir obsolètes, tandis que les entreprises, sous pression, redécouvrent l’urgence de la formation. L’obligation de former les salariés ne relève pas uniquement de la bonne volonté des employeurs. Depuis la loi du 5 septembre 2018, chaque entreprise doit garantir l’adaptation de ses collaborateurs à leur poste et veiller au maintien de leur employabilité, sous peine de sanctions.

En cas de changement de poste ou d’évolution technique, le refus d’une formation peut être sanctionné, sauf motif légitime. Pourtant, certains dispositifs permettent au salarié de choisir ses formations sans l’accord de l’employeur, brouillant la frontière des responsabilités.

Panorama des responsabilités en matière de formation professionnelle

Impossible de réduire la formation professionnelle à un simple dialogue entre patron et salarié. Plusieurs acteurs s’emboîtent, chacun avec sa part de devoirs et d’initiatives. L’employeur reste toutefois le premier garant du développement des compétences dans l’entreprise. À lui de bâtir un cadre solide, le fameux plan de développement des compétences, qui colle aux besoins réels de ses équipes mais aussi aux enjeux du secteur. Derrière cette exigence se cache une double réalité : préserver la capacité d’emploi face aux mutations technologiques, et éviter tout risque juridique.

Du côté des salariés, les repères changent. Avec le compte personnel de formation (CPF), chacun détient une marge de manœuvre inédite pour piloter son parcours. Les attentes en matière d’évolution professionnelle prennent le dessus, notamment lors de l’entretien professionnel obligatoire tous les deux ans. Ce rendez-vous est devenu un passage obligé pour envisager la suite, se positionner, et demander à l’employeur des moyens pour progresser.

À mesure que les attentes grandissent, la responsabilité sociale de l’entreprise prend de la consistance. De nombreuses sociétés ne se contentent plus d’appliquer la lettre du Code du travail : elles intègrent la formation à leur politique RSE, y voient un levier d’engagement et une réponse aux défis des transitions professionnelles.

Pour y voir clair, voici ce qui définit le rôle de chacun en matière de formation professionnelle :

  • Responsabilité de l’employeur : proposer et financer les formations nécessaires, anticiper les évolutions du secteur.
  • Responsabilité du salarié : exprimer ses besoins, mobiliser son CPF, s’engager dans le processus d’apprentissage.
  • Enjeu collectif : garantir le maintien dans l’emploi et la compétitivité de l’entreprise, tout en répondant aux aspirations individuelles.

Qui doit assurer la formation : employeur, salarié ou les deux ?

Nul ne peut balayer d’un revers de main la question de la responsabilité formation. Le code du travail donne une direction nette : l’employeur doit garantir que chaque salarié reste adapté à son poste et conserve sa capacité à occuper un emploi, même lorsque les métiers ou les outils évoluent. Pour cela, il s’appuie sur le plan de développement des compétences, qui devient le fil conducteur du suivi et de la progression des collaborateurs.

Mais la donne évolue. Avec le compte personnel de formation (CPF), chaque salarié possède une carte à jouer : celle de financer lui-même, en partie ou totalement, ses projets de formation. Le CPF invite à s’emparer de son avenir, à préparer une reconversion, anticiper une mobilité ou élargir son champ d’action. Cette logique d’individualisation bouscule l’équilibre traditionnel et encourage chacun à prendre la main sur sa trajectoire.

L’entretien professionnel, organisé tous les deux ans, n’est plus un simple rituel administratif. Il devient le temps fort de la réflexion sur les besoins, l’occasion d’ajuster le plan formation, de cibler la montée en compétences, l’accompagnement aux mobilités internes ou l’ouverture vers de nouveaux métiers.

On peut ainsi distinguer les rôles principaux dans cette dynamique :

  • L’employeur : architecte du plan, garant du financement collectif
  • Le salarié : acteur de son évolution, initiateur de démarches via le CPF

Ce partage des responsabilités installe une logique de co-construction. Désormais, l’accompagnement de l’évolution professionnelle s’impose à tous, il ne s’agit plus d’une option, mais d’un engagement réciproque.

Obligations légales des employeurs : ce que dit le Code du travail

Oublier la formation professionnelle expose à bien plus qu’une perte de compétitivité : il s’agit d’une obligation formation inscrite noir sur blanc dans le Code du travail. L’employeur doit non seulement veiller à l’adaptation des salariés au poste, mais aussi au maintien de leur capacité à occuper un emploi, même lorsque les repères changent.

L’article L6321-1 du Code du travail précise que chaque salarié doit accéder aux actions de formation nécessaires à l’exercice de ses fonctions, à son évolution ou à sa mobilité interne. Dans les faits, cela couvre : l’intégration des nouveaux arrivants, les formations lors d’un changement d’outils ou de méthode, le suivi de l’évolution du métier, ou encore l’accompagnement à la mobilité interne. Les modalités varient : présentiel, distanciel, formation en situation de travail, ou recours à la validation des acquis de l’expérience.

Pour ne rien laisser au hasard, l’employeur doit anticiper, recenser les besoins et formaliser tout cela dans un plan de développement des compétences. Ce plan, présenté au conseil social et économique, fixe les étapes, les bénéficiaires, les objectifs et le calendrier des actions de formation.

Négliger ces obligations ouvre la porte à des sanctions : procédures prud’homales, versement de dommages-intérêts, voire condamnation pour manquement à la protection sociale. L’entretien professionnel, tous les deux ans, sert de point d’étape pour vérifier que chaque salarié suit le bon parcours. Enfin, la remise d’une attestation de formation vient sceller l’engagement de l’entreprise et son respect du contrat de travail.

Formateur guidant un groupe lors d

Dans quels cas l’employeur peut-il imposer une formation à ses salariés ?

Il arrive que la formation professionnelle devienne non négociable. Plusieurs circonstances obligent l’employeur à notifier explicitement les salariés concernés. Ce principe découle d’un impératif : garantir l’adaptation des salariés à leur poste, en particulier lorsque les métiers, les outils ou l’organisation connaissent un bouleversement. Face à une réorganisation ou à l’introduction de nouvelles technologies, l’entreprise doit s’assurer que chacun maîtrise les compétences requises.

Parmi les formations imposées, certaines relèvent de la réglementation pure et simple. La sécurité au travail en est l’exemple le plus frappant. Risques chimiques, manutention, conduite de machines : chaque secteur est encadré par des règles précises, obligeant l’employeur à organiser des sessions pour prévenir les incidents et préserver la santé des salariés. Ces formations, réalisées sur le temps de travail, ne peuvent être déclinées par l’employé.

Un autre contexte s’impose : le reclassement. Après une inaptitude médicale, une réorganisation ou la suppression d’un poste, l’entreprise propose une formation d’adaptation destinée à permettre au salarié de rebondir. Ici encore, le maintien dans l’emploi passe par la participation à ces sessions, intégrées au plan de développement des compétences.

D’autres dispositifs, comme la validation des acquis de l’expérience (VAE), l’AFEST (formation en situation de travail) ou le bilan de compétences, sont plus rarement imposés sans l’accord du salarié. Ils supposent souvent une démarche partagée, mais la loi peut permettre leur mise en œuvre lors d’une évolution de poste ou d’une mutation professionnelle.

À l’heure où les métiers se réinventent sans cesse, la question de la formation n’est jamais figée. Elle s’impose, s’adapte, et redessine, pour chaque entreprise et chaque salarié, la frontière entre contrainte et opportunité. La prochaine vague de mutations professionnelles sera-t-elle subie ou maîtrisée ? Le choix se construit, formation après formation.

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